A partir du 30 novembre 2015, et pour deux semaines environ, la France accueille à Paris la 21e conférence des Nations unies sur le changement climatique, la COP 21. Commencé à Rio en 1992, ce cycle poursuit un objectif simple mais ô combien difficile : organiser une réponse géopolitique coordonnée au dérèglement climatique qui menace l’écosystème humain.

Climat

COP21 : prendre le pouvoir

A partir du 30 novembre 2015, et pour deux semaines environ, la France accueille à Paris la 21e conférence des Nations unies sur le changement climatique, la COP 21. Commencé à Rio en 1992, ce cycle poursuit un objectif simple mais ô combien difficile : organiser une réponse géopolitique coordonnée au dérèglement climatique qui menace l’écosystème humain.

Une centrale à charbon en Pologne.

 

Un enjeu écologique

La recherche scientifique, aujourd’hui assurée par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ne laisse plus place au doute : les activités humaines sont responsables des bouleversements climatiques en cours. Nous sommes rentrés dans l’ère de l’anthropocène, un terme qui caractérise la période où, pour la première fois dans l’histoire de la planète Terre, les activités humaines ont commencé à avoir un impact sur l’écosystème global – un impact décisif qui plus est.

Les modèles scientifiques actuels sont fiables à plus de 95% : plus personne dans la communauté scientifique n’ose encore contester la réalité sur dérèglement climatique. Seuls quelques obscurantistes en mal de notoriété ou de méthodologie s’y fourvoient encore.

Un enjeu politique

De ce constat découle une conclusion simple et quelque part réjouissante : si nous sommes responsables des catastrophes climatiques en cours, alors nous sommes également capables de les résoudre, car elles restent soumises à notre périmètre d’action.

Première mauvaise nouvelle : les dérèglements actuels, même si on y portait remède demain, continueraient à produire leurs effets néfastes pendant longtemps encore, pour une durée difficile à déterminer. Seconde mauvaise nouvelle : certains processus climatiques déclenchés par les activités humaines sont certainement irréversibles.

Un enjeu systémique

C’est pourquoi il est urgent d’agir : nous avons notre destin en main. Changer de système, de mode de production, de consommation, de modèle énergétique, de modalités d’échanges commerciaux…Pour respecter l’un des principaux objectifs énoncés par le GIEC, qui consiste à maintenir la progression des température en deçà des 2°C et qui implique de réduire nos émissions de gaz à effet de serre mondiales de 40 % à 70 % d’ici 2050, il faut en effet revoir de fond en comble tout notre système économique. Le problème est structurel.

Des sables bitumineux au Canada

Prenons un cas concret : pour ne pas dépasser les 2°C, il ne faut pas émettre plus de 700 gigatonnes de CO2. Or, aujourd’hui les réserves exploitables des entreprises sont 5 fois plus élevées que ce seuil. Il y a donc trop de pétrole au regard des exigences climatiques. Par conséquent, 80 % des réserves doivent rester sous la terre…

Agir de manière responsable, c’est donc s’opposer à toute nouvelle velléité d’explorer les réserves fossiles de la planète, ainsi que nous avons par exemple pu le faire en Arctique. Car il s’agit de projets clairement climaticides. Ce qui implique, in fine, de revoir le rapport hiérarchique entre les normes écologiques et les normes économiques et affirmer la supériorité de l’intérêt général sur les bénéfices privés d’un secteur industriel coupable. Et surtout, ne pas croire que le salut viendra uniquement des progrès technologiques et de la géo-ingénierie : nous vivons dans un monde fini et ce sont nos rapports sociaux, nos pratiques sociales, qu’il importe de redéfinir.

En quelques mots, il s’agit concrètement d’arrêter le Tafta (l’Accord de libre-échange entre les Etats-Unis et l’Union européenne), de désinvestir des énergies fossiles, de taxer les secteurs nocifs (par exemple de mettre en place une taxe sur les transactions financières), d’introduire une fiscalité écologique dans une perspective de justice sociale, de réinvestir l’argent ailleurs.

Des activistes de Greenpeace sur une plateforme pétrolière de Shell

Un enjeu humanitaire

Si nous ne faisons rien, nous assisterons à une montée des eaux dramatique, entraînant une multiplication de réfugiés climatiques, à des phénomènes météorologiques extrêmes de plus en plus fréquents, qu’il s’agisse des cyclones ou des vagues de sécheresse qui déciment l’agriculture, à une baisse dangereuse des réserves de la planète en eau potable – alors même que la démographie mondiale ne cesse de croître.

Un enjeu géopolitique

Qui plus est – et c’est l’un des enjeux géopolitiques majeurs sur la table des négociations de l’ONU – ce sont les pays pauvres, les pays du Sud, qui sont les premiers touchés par le dérèglement climatique, à l’image par exemple du Bangladesh, qui assiste à de nombreux déplacements de population sur ses terres. C’est donc un enjeu de justice internationale qui est posé.

Un enjeu démocratique

Nous ne changerons pas le système sans nous attaquer non plus à la manière dont est distribué le pouvoir actuellement : qui possède quoi ? Comment sont exploitées les ressources naturelles ? Comment sont prises les décisions qui engagent l’avenir de l’humanité ?

Nous devons faire en sorte que les voix qui composent la société civile résonnent de plus en plus fort, et que chaque citoyen se sente impliqué et entendu dans les luttes climatiques en cours. Il faut reprendre la main sur les structures qui aboutissent aujourd’hui à un mépris total des conséquences climatiques engendrés par les échanges commerciaux tels qu’ils sont organisés aujourd’hui.

Comment agir ?

Soyons clairs : il y a peu de choses à attendre de la COP21. Le texte qui fait office de base de négociations omet déjà un nombre de points cruciaux et mises bout-à-bout, les diverses contributions des Etats nous amènent sur une trajectoire de +3,5°C.

Climate ride contre Shell en Thaïlande

Pour autant, il est important que les organisations de la société civile, dont Greenpeace, se mêlent des négociations. D’abord parce que les COP sont pour le moment le seul cadre géopolitique vraiment multipartite où l’on tente de se mettre d’accord sur des politiques climatiques au niveau international. Ensuite, parce que nous ne voulons pas laisser croire aux pouvoirs publics qu’ils peuvent s’arranger dans leur coin, à l’abri de la société civile, et parce que nous voulons, autant que possible, limiter tout recul. Enfin, parce que nous avons des demandes spécifiques à porter et que nous ferons pression sur les négociateurs pour les faire avancer.

Nos demandes

Elles sont évidentes :

– L’accord conclu à la fin de cette quinzaine doit être juridiquement contraignant,

– Les exigences de l’accord seront revues à la hausse tous les cinq ans,

– Des mécanismes transparents doivent être mis en place pour évaluer les efforts de chaque pays,

– Il faut adopter un objectif de long terme, qui permette aux acteurs économiques et politiques de s’organiser en vue d’une transition systémique,

– Des mécanismes de soutien aux pays du Sud doivent être définis et réellement soutenus par les pays du Nord,

– Des objectifs de réduction de gaz à effet de serre doivent être clairement fixés, et des mesures claires contre les énergies fossiles et en faveur des énergies renouvelables doivent être annoncées.

Des activistes dressent une éolienne pendant la COP de Durban

Par ailleurs, nous serons attentifs à déjouer toutes les tentations de greenwashing menées des industriels, notamment du lobby nucléaire, qui essaiera une fois encore de nous faire gober que l’atome est une “énergie propre”. Et à toujours pointer le décalage qui existe entre les paroles et les actes du président François Hollande : aujourd’hui, la France est nettement en retard sur ses voisins en ce qui concerne le développement des énergies renouvelables, pourtant désormais plus compétitives que l’énergie nucléaire. Il faut aller rapidement vers un monde alimenté par des énergies 100% renouvelables.

Une mobilisation sans précédent

Mais c’est la mobilisation en dehors du centre des négociations qui sera la plus importante. D’abord pour faire pression sur les négociateurs. Mais surtout pour marquer l’avènement d’un mouvement mondial pour le climat. Voilà à quoi doit servir la COP21. Elle n’est pas un point d’arrivée, mais un point de départ. Le moment où la société civile se détermine comme un acteur majeur et s’organise pour prendre les choses en main, en donnant à chaque citoyen le pouvoir d’agir, partout sur la planète.

Membre de la Coalition 21, qui regroupe toutes les ONG engagées pour le climat, Greenpeace organisera un certains nombres d’actions sur le terrain et appelle d’ores et déjà aux grandes marches qui auront lieu partout dans le monde et partout en France le 28, à Paris le 29 novembre, ainsi qu’à une grande journée d’action le 12 décembre, à la fin des négociations. Car c’est à nous que doit revenir le dernier mot et le pouvoir sur l’avenir. Si l’on ne fait rien, personne ne le fera à notre place.