Cela fait cinq ans ce mois-ci qu’un tsunami meurtrier a frappé les côtes japonaises, endommageant dans son fracas les installations nucléaires de Fukushima. A l’occasion de ce triste anniversaire, nous avons décidé de lancer le mois dernier une importante étude sur la contamination des fonds marins au large de la centrale accidentée de Fukushima Daiichi, à bord du Rainbow Warrior III. <a href=L'Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest (ACRO) y apporte son assistance scientifique. Dans l’équipe, Mylène Josset, dont nous publions aujourd’hui le témoignage." class="openspace_image openspace_image_medium" />

Nucléaire

En mission sur le Rainbow Warrior au large de Fukushima

Cela fait cinq ans ce mois-ci qu’un tsunami meurtrier a frappé les côtes japonaises, endommageant dans son fracas les installations nucléaires de Fukushima. A l’occasion de ce triste anniversaire, nous avons décidé de lancer le mois dernier une importante étude sur la contamination des fonds marins au large de la centrale accidentée de Fukushima Daiichi, à bord du Rainbow Warrior III. L'Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest (ACRO) y apporte son assistance scientifique. Dans l’équipe, Mylène Josset, dont nous publions aujourd’hui le témoignage.

 Quel est l’objectif de la mission conduite par Greenpeace sur le Rainbow Warrior ?

L’objectif est de réaliser une cartographie précise des niveaux de contamination en césium des fonds marins autour de la centrale accidentée.

L’accident de Fukushima a entraîné la plus grande pollution radioactive en mer jamais enregistrée. Celle-ci provient tout d’abord des rejets directs au moment de l’accident (au plus fort des émissions atmosphériques 80 % des rejets se sont dirigés vers l’océan), puis via les eaux de refroidissement constamment injectées dans les réacteurs de la centrale, dont une large partie s’infiltre vers les sous-sols puis vers l’océan Pacifique. Ensuite, il faut ajouter la contribution des rivières qui ont recueilli et recueillent encore les ruissellements des pluies chargées des pollutions radioactives suite au lessivage, au drainage des sols contaminés. En fait, chaque rivière est devenue une source d’apport en contamination marine.

Racontez-nous une journée type à bord du Rainbow Warrior pour cette mission ?

Au moment de vous répondre, nous sommes au large de Yotsukura, qui se situe à environ une vingtaine de kilomètres au sud de la centrale Fukushima Daichii. C’est notre premier objectif pour aujourd’hui. Nous jetons l’ancre. Nous sommes à quelques kilomètres des côtes. Tout est prêt. « Nemo », un mini sous-marin spécialement équipé pour ce projet est mis à l’eau.

Commandé depuis le bateau, il va plonger jusqu’à 25 mètres pour effectuer des mesures et faire des prélèvements. A l’aide de ses caméras, nous suivons sa progression sur deux écrans de contrôle. Après quelques minutes d’attente, le voici maintenant posé sur le fond sableux. Une mesure de la contamination est lancée grâce à un spectromètre gamma embarqué qui permet l’identification des éléments radioactifs présents, mais également leur quantification. Ensuite, grâce à son bras robotisé, « Nemo » effectue un prélèvement de sédiment – avant de remonter en surface.

A bord du Rainbow Warrior III – février 2016 © Mylène Josset

Quels sont les résultats ?

Il est encore trop tôt pour le dire. Les échantillons de sédiments que nous récupérons vont être analysés au laboratoire indépendant japonais « Chikurin », fondé après la catastrophe avec le soutien de l’ACRO. D’ores et déjà, l’analyse directe réalisée par le spectromètre (un détecteur NaI) indique pour cette zone la présence de césium. La visualisation du spectre de la mesure sur notre écran montre en effet une contribution de rayonnement gamma provenant du césium-137 et du césium-134, qui représentent les deux principaux contributeurs de la pollution.

Quel est le but de ce travail scientifique ?

Notre but est de constituer une cartographie des fonds marins à proximité de Fukushima. Notamment parce qu’ils constituent un important réservoir de pollutions radioactives pour des dizaines et des dizaines d’années. En effet, le césium accumulé dans les sédiments peut ensuite se remobiliser au gré des courants, des tempêtes, contaminer la faune benthique (espèces des fonds marins) et s’accumuler via la chaîne alimentaire. Une catastrophe nucléaire touche tous les écosystèmes sur du long terme.

Quels sont les conséquences concrètes de ces pollutions ?

Les conséquences à moyen terme pour l’écosystème marin sont encore mal connues et certainement en devenir. Celles pour les pêcheurs de la région sont déjà dramatiques puisque de larges zones de pêche ont été interdites et les consommateurs n’achètent plus de produits issus de cette région.

Quelle est la suite de la mission ? Qu’allez-vous faire des résultats?

Cette étude va encore durer plusieurs semaines car il reste beaucoup de zones à investiguer au large de la centrale, et également au niveau des estuaires des principaux fleuves de la région. Les résultats seront publiés et permettront d’apporter une meilleure connaissance de la situation pour le milieu marin cinq ans après le début de la catastrophe. Une telle pollution est unique et l’on n’a donc pas de retour d’expérience sur son évolution.


[right]
Depuis le Rainbow warrior III,
Mylène JOSSET, ACRO
[/right]