Aujourd’hui se tient à New York la première étape du processus de ratification de l’Accord de Paris dont a accouché la COP21 en décembre dernier. Plusieurs chefs d’État se retrouvent pour une cérémonie où ils doivent donner officiellement leur aval à la poursuite de la mise en œuvre de l’accord.

Climat

Signature de l’Accord de Paris sur le climat : où est l’exemplarité française ?

Aujourd’hui se tient à New York la première étape du processus de ratification de l’Accord de Paris dont a accouché la COP21 en décembre dernier. Plusieurs chefs d’État se retrouvent pour une cérémonie où ils doivent donner officiellement leur aval à la poursuite de la mise en œuvre de l’accord.

 Maintenir la pression

Mais attention : il ne s’agit pas d’une procédure de ratification en tant que telle. La ratification doit emprunter des voies nationales : dans la majorité des cas, la ratification de l’accord requiert l’aval de la représentation nationale de chaque pays, donc le vote du Parlement (quand il y en a un). L’accord de Paris est censé servir ensuite de principe directeur à des politiques publiques concrètes. L’enjeu de cette cérémonie est donc plutôt de donner de la visibilité à l’agenda climatique international, d’assurer une continuité et une mobilisation des diplomaties environnementales et de maintenir la pression sur les parties (les États membres de la COP). En somme, entretenir une dynamique.

Pour que l’accord entre en vigueur au niveau international, il faut que les États qui le ratifient représentent au moins 55% des émissions de gaz à effet de serre (GES) mondiales. Pour l’instant, ce sont les États-Unis, la Chine et le Canada – lesquels devraient parvenir à une ratification cette année – qui poussent pour une entrée en vigueur la plus rapide possible de l’accord. Du côté des mauvais élèves, on trouve plutôt l’Australie (plombée par un gouvernement climato-sceptique), l’Inde (qui prétend avoir encore besoin des centrales à charbon pour soutenir sa croissance et résorber les inégalités extrêmes du pays) ou certains États pétroliers du Proche-Orient. Les choses risquent également de traîner du côté de l’Union européenne : il faut que les 28 États membres se mettent d’accord. L’ONU prévoit cependant un nombre record de signataires (autour de 160).

Discours de Barack Obama à la COP21 © Christophe Calais / Signatures / Greenpeace

D’accord mais insuffisant

Rappelons que l’Accord de Paris fixe comme objectif de maintenir la hausse des températures mondiales en-deçà de 1,5°C d’ici à la fin du siècle. Il prévoit aussi que les parties devront se retrouver dès 2018 pour renforcer leurs contributions nationales à la lutte contre le réchauffement climatique ; l’accord doit entrer en vigueur en 2020 au plus tard. Il crée donc un agenda et sécurise un espace multilatéral de discussion et de coordination.

Mais le texte ne contient pas grand-chose d’autre. Il continue de s’appuyer sur les contributions libres de chaque État, lesquelles nous placent au mieux sur une trajectoire de 3°C d’augmentation des températures d’ici à la fin du siècle, alors que pendant ce temps-là, les records de chaleur [EN] ne cessent de se succéder. Il parle de “neutralité carbone”, ce qui ouvre la porte à tous les délires en matière de géo-ingénierie et de captation du carbone émis, au lieu de nous orienter clairement vers une sortie pourtant urgente et nécessaire des énergies fossiles qui sont les principales émettrices de GES. Des secteurs très polluants, comme le transport aérien (ou maritime), restent d’ailleurs en dehors du périmètre de l’accord. Enfin, il n’organise pas une solidarité financière internationale susceptible d’aider suffisamment les pays pauvres dans leur adaptation aux changements climatiques.

Il est donc urgent que chaque État s’engage dès à présent dans des politiques environnementales plus ambitieuses, en commençant par stopper toute subvention au secteur des énergies fossiles – 80% des ressources connues doivent impérativement rester dans le sol pour avoir une chance d’atteindre l’objectif fixé par l’accord.

Laurent Fabius, alors président de la COP21, lors du coup de marteau final à Paris © Christophe Calais / Signatures / Greenpeace

La France à la traîne sur la transition énergétique

On attend toujours un pas dans la bonne direction du gouvernement français, qui tiendra la dernière conférence environnementale du quinquennat dans la foulée de la cérémonie new-yorkaise.

Les signaux ne sont pour l’instant pas bons. Car si la transition énergétique vers les énergies renouvelables semble s’accélérer au niveau mondial, ce n’est pas le cas en France, où la filière nucléaire pourtant en perdition, incapable de faire face aux enjeux de compétitivité économique, de sûreté et de sécurité, reste un verrou à la transition. La France est toujours en retard sur ses voisins européens : dans le dernier classement européen publié en 2015, la France est 16e et a reculé de trois rangs depuis 2010. Rappelons que pour tenir les prescriptions scientifiques, il faut que la planète ait basculé vers 100% d’énergies renouvelables d’ici à 2050.

Dans cette optique, il est important que la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui doit mettre en musique la loi sur la transition énergétique votée l’année dernière, engage réellement une sortie du nucléaire pour aller vers un déploiement massif des énergies renouvelables (croissance record en 2015, avec des investissements à hauteur de 300 milliards d’euros dans le monde) – ce qui ne semble pas vraiment se dessiner à l’heure actuelle. Une feuille de route doit voir le jour début juillet 2016. Or l’équation est claire : pour parvenir à réduire la production nucléaire à 50% du mix électrique français d’ici à 2025, comme le prévoit la loi, il faut fermer 29 réacteurs.

Des éoliennes en Chine © Greenpeace

Changer la donne sur les transports et la fiscalité

En outre, peu de choses vont vraiment dans le bon sens en ce qui concerne le secteur des transports, responsable de 27% des émissions de GES en France : beaucoup de lignes ferroviaires sont abandonnées au profit du transport routier, aucun plan de déploiement massif des transports collectifs n’est à l’ordre du jour, et des projets obsolètes comme l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes sont toujours à l’agenda, malgré des tentatives de bricolage référendaire inacceptables.

Par ailleurs, l’État français continue de soutenir le secteur fossile à l’étranger, notamment via des institutions financières internationales. Rappelons également qu’ENGIE et EDF possèdent encore une cinquantaine de centrales à charbon, qu’elles se refusent toujours à fermer. En outre, Total vient de récupérer son autorisation d’exploration d’hydrocarbures non conventionnels à Montélimar.

Enfin, la fiscalité écologique de la France n’est toujours pas au niveau. La “contribution carbone” actuelle, fixée à 22 euros par tonne de carbone, ne permet pas de contrer la baisse du prix du baril de pétrole. Trop de niches fiscales permettent à certains secteurs d’éviter de payer cette taxe, et certaines entreprises n’y sont pas soumises au prétexte qu’elles respectent les quotas européens qui fixent la tonne à seulement… cinq euros. Autrement dit, la fiscalité actuelle n’est pas à même de transformer réellement notre modèle économique.

La société civile décisive

La société civile doit donc rester active, vigilante et mobilisatrice pour que, d’une part, les efforts internationaux entamés lors de la COP21 perdurent et se renforcent, et que d’autre part chaque État, chaque région, chaque commune, bref chaque échelon de la société se tourne résolument vers des modes de production et de consommation compatibles avec une préservation durable de l’environnement.

Pendant la marche mondiale pour le climat à Helsinki, en novembre 2015 © Jani Sipilä / Greenpeace

Nous n’avons pas le choix. Car sans pression venant de la société civile, des citoyens engagés, les pouvoirs en place ne prendront pas leurs responsabilités. La crise écologique est un enjeu démocratique.