Alors que la catastrophe nucléaire est toujours en cours, Jean-François Jullia

Nucléaire

Sortir du nucléaire à tout jamais – retour de Fukushima

Alors que la catastrophe nucléaire est toujours en cours, Jean-François Julliard a passé une semaine à Fukushima au Japon. Invité par le bureau de Greenpeace sur place, il a rencontré des habitants, et des agriculteurs de la zone sinistrée de la centrale.

C’était la première fois que je me rendais à Fukushima. Yannick Rousselet, chargé de campagne nucléaire, qui participait à ce voyage, s’y est déjà rendu à plusieurs reprises depuis mars 2011.
Le plus frappant en arrivant est d’entendre les mêmes phrases qu’en France et dans tous les pays nucléarisés : »On nous a toujours dit que c’était sûr, qu’il n’y avait rien à craindre, qu’un accident était inimaginable« . Je me souviens encore des propos de Delphine Batho, alors ministre de l’énergie et de l’environnement qui affirmait l’an dernier qu’il fallait désormais « imaginer l’inimaginable ».

Le changement est un long processus c’est vrai mais il est quand même sérieusement temps que nos dirigeants se tournent vers l’avenir et cessent de nous faire croire que nous n’avons le choix qu’entre le pétrole, le charbon ou le nucléaire.

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Abandonner l’atome

La préfecture de Fukushima s’est engagée sur la voie du 100% renouvelables. Il n’y aura plus jamais de nucléaire dans cette région. Tant mieux. Mais c’est loin d’être suffisant. Le gouvernement japonais doit absolument s’empêcher de relancer les centrales aujourd’hui à l’arrêt. Un journaliste d’un grand quotidien japonais nous expliquait qu’après avoir passé deux étés et deux hivers sans centrale nucléaire en marche, il était convaincu que le pays pouvait définitivement abandonner l’atome.
Le Japon doit également renoncer, tout comme la France, à jouer les promoteurs du nucléaire à l’étranger. Les militants anti-nucléaires indiens qui nous accompagnaient au cours de ce séjour, n’ont cessé de le rappeler à la population japonaise : »Vous êtes les bienvenus chez nous en Inde, mais s’il vous plaît, ne venez pas avec votre énergie sale et dangereuse! »

 

Personne n’est préparé à une telle catastrophe

La catastrophe de Fukushima se poursuivra pendant de longues années. La catastrophe nucléaire et la catastrophe humaine se poursuivront pendant de longues années.
Il ne suffit pas de reconstruire des maisons et des routes pour relancer une région. A Fukushima, les habitants font, chaque jour, face aux conséquences de la radioactivité et ils devront l’affronter pendant des décennies. On ne peut tout simplement pas se débarrasser de la radioactivité. Lorsqu’un terrain est en cours de décontamination, c’est une autre parcelle qui est condamnée pour stocker les déchets radioactifs. Des milliers de kilomètres carrés dans la région de Fukushima ne seront jamais rendus à l’homme.

Personne n’est préparé à une telle catastrophe. On a beau imaginer des plans d’urgence et des zones d’évacuation, on ne peut jamais prédire les conséquences d’une contamination radioactive. En France pas plus qu’ailleurs. Nos périmètres d’évacuation de 2 km autour des centrales feraient bien pâle figure face à un accident. A Fukushima, trois ans après, nous avons visité des zones encore contaminées qui sont situées à plus de 50 km de la centrale.

Je reviens de Fukushima avec la conviction renforcée qu’il faut aller vite. Notre scénario de transition énergétique pour la France prévoit une sortie du nucléaire à l’horizon 2031. Il n’est pas question d’aller au-delà. François Hollande doit cesser de tergiverser sur la trajectoire et la manière de réduire de 75 à 50% notre part du nucléaire dans la production d’électricité. Il a, comme le Premier ministre japonais Shinzo Abe, une responsabilité vis-à-vis de la planète.

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