Après les discours des chefs d’Etat, les négociateurs du texte ont pu commen

Climat

Des promesses pour l’Afrique

Après les discours des chefs d’Etat, les négociateurs du texte ont pu commencer leur travail de poker menteur et d’écriture dans des sous-groupes spécialisés – on appelle ça les « spin off groups », dans le jargon. Et malheureusement, ils sont fermés aux observateurs de la société civile. Si bien qu’il est à la fois compliqué de suivre les débats et difficile de produire une analyse sur le dessous des cartes. Et bien sûr, cela laisse les coudées franches aux événements parallèles, qui ressemblent plutôt à des opérations de communication qu’à autre chose.

Deux milliards pour les énergies renouvelables en Afrique

C’était l’annonce du jour : le déblocage par la France de deux milliards d’euros d’ici 2020 pour développer les énergies renouvelables, sur les six millards prévus pour le secteur énergétique africain. C’est ce qu’on a fini par savoir après avoir cherché pendant des heures à obtenir des informations sur cet étrange “sommet sur le défi climatique et les solutions africaines” qui réunissait Français Hollande, Ségolène Royal, Jean-Louis Borloo (eh oui) et des chefs d’Etat africains – à huis-clos, là encore.

Plutôt une bonne nouvelle, qui confirme le potentiel économique des énergies renouvelables et qui va permettre à l’Afrique, dont certains des pays comptent parmi les plus vulnérables au réchauffement climatique, d’effectuer un grand pas en avant énergétique, sans nuire au climat pour autant.

Mais plusieurs interrogations restent en suspens. D’abord, ces fonds à destination des énergies renouvelables iront-ils exclusivement à des projets solaires ou éoliens, ou bien financeront-ils des barrages hydroélectriques géants au détriment de l’environnement et des populations ? Première chose à vérifier. Ensuite : quid des quatre milliards restants ? Projets industriels polluants ? Fausses solutions ? Géoingeniérie, nucléaire ? Nous serons vigilants.

D’autant que les promesses ne suffisent pas : il faut désormais des actes.

Le Nicaragua fait la nique

De son côté, le Nicaragua a annoncé qu’il refusait de remettre son INDC au secrétariat de l’ONU. Les INDC, pour les gens qui ne maîtrisent pas le foisonnement d’acronymes qui saturent la zone bleue des Nations unies, ce sont les contributions nationales de chaque pays. Elles indiquent quels sont les efforts que chaque pays s’engage à accomplir en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Raison invoquée par le Nicaragua pour ne pas publier d’INDC : ils sont synonymes d’une géopolitique du climat fondée sur les seules bonnes intentions déclaratives de chaque état .Or, soumise à la seule volonté individuelle des Etats, sans vision collective, la COP21 n’est plus qu’une mascarade nulle et non avenue, sans la moindre efficacité. Le représentant du Nicaragua au Bourget a ainsi déclaré “ne pas vouloir se rendre complice d’une augmentation mortelle de 3°C à 4°C de la température moyenne”.

Une forme de politique de la chaise vide ? Une manière de dénoncer les faux-semblants de la COP21 ? Un bon moyen aussi d’éviter de prendre des engagements. On vous laisse juge.

L’urgence d’un moratoire sur les centrales à charbon

L’ONG Climate Action Tracker a révélé des informations primordiales sur la question, centrale, du charbon. D’abord, que si tous les projets de construction de centrales à charbon étaient bel et bien mis à exécution d’ici 2030, les émissions seraient 400% fois supérieures à ce que suppose une trajectoire conforme au seuil des 2°C de réchauffement climatique à ne pas dépasser. Plus : si toutes celles qui sont déjà en activité… restent en activité, alors nous sommes sur une trajectoire d’émissions carboniques excessives de 150%.

Or certains pays membres de l’Union européenne ont toujours l’intention d’en construire de nouvelles, principalement pour remplacer les anciennes. Quant à la Chine, l’Inde, l’Indonésie, le Japon, l’Afrique du Sud, la Corée du Sud ou la Turquie, ils envisagent de recourir au charbon pour faire face à la demande croissante de ressources énergétiques de leurs populations. Une aberration quand on sait que les énergies renouvelables sont désormais prêtes, tant d’un point de vue technologique que d’un point de vue économique, à prendre le relais des énergies fossiles.

Airpocalypse now

Le charbon n’est d’ailleurs pas seulement responsable du dérèglement climatique : il pose également un vrai problème de santé publique. En cause : la pollution atmosphérique dans les zones situées à proximité des centrales à charbon.

Pekin 1er décembre © Wu Hao / Greenpeace

Pendant que les négociateurs discutaient la virgule dans les boîtes climatisées prévues à cet effet au Bourget, des millions de gens affrontaient justement un pic de pollution dans les capitales indiennes et chinoises. Brouillards records. Scènes surréalistes. Masques à gaz à tous les étages. Notamment pour filtrer, tant bien que mal, une fine particule d’air dénommée PM 2,5, directement responsable de cancers et de maladies du cœur. Dans certaines zones, la concentration de cette particule dans l’atmosphère a atteint 56 fois le niveau considéré comme tolérable par l’Organisation mondiale de la santé. Faut-il le rappeler, plus de 4 000 Chinois meurent chaque année de la pollution de l’air.

Si ces pics de pollution se produisent en hiver, c’est tout simplement parce que la grande majorité des logements urbains sont chauffés par l’énergie du charbon dans ces pays.

Ray of the day

Dans le monde des COP existe un folklore. Un folklore fait de costumes squelettiques et de robes blanches. Celui, attendu chaque jour avec impatience, du « Fossil of the day ». L’idée : décerner quotidiennement un prix au pays le plus rétrograde des négos – comprendre : celui qui bloque tout comme un fieffé demeuré. Un pays dont l’attitude politique serait un peu… fossilisée, fossilisante, quelque chose comme ça. Un pays fossile sur tous les plans, en somme. Voilà le concept. Et ce sont les ONG qui votent. Parfois, l’heureux élu accepte de venir chercher son prix en grande pompe, sur une scène dédiée à cet effet ; parfois non.

Mais d’autres fois encore, le Fossil of the day est remplacé par le “Ray of the day”. Soit son exact opposé. Le Ray of the day est décerné au pays qui a témoigné de l’engagement le plus fort pour le climat, celui qui montre l’exemple. C’est un peu le rayon de soleil de la négo. Et c’est très rare : à peine deux ou trois chaque année, à chaque COP. Quelque chose de biblique, de l’ordre du miracle séculier.

Hier, surprise : un gros rayon de soleil. Le Ray of the day a été attribué à une coalition d’une quarantaine d’Etats dits “vulnérables”, déterminée à porter l’ambition de 100% d’énergies renouvelables d’ici à 2050 au sein des négociations. Une demande que nous portons avec eux de toutes nos forces.

Arts plastiques

Puis la lune s’est levée sur l’allée centrale du Bourget, baptisée “Champs-Élysées”. Nous avons appris que toute manifestation à Paris, notamment sur les Champs, étaient interdites jusqu’au 13 décembre. Peut-être organiserons-nous quelques actions de protestation sur les Champs du Bourget ? Affaire à suivre.

En même temps, ce serait sans doute dommage de déranger les magnifiques sculptures d’animaux en plastique qui ornent fièrement cette allée centrale. Tiens, en approchant un peu, on peut voir qu’elles ont été « offertes par » Fleury-Michon, EDF et compagnie. Décidément, ces doux philanthropes font partie du décor de cette COP21.